Un bel hommage au monde ouvrier et une belle déclaration à un père parti trop tôt…
La quatrième de couv :
«Quand on parle de moi, il y a toujours l’usine. Pas facile de parler d’autre chose.» Dans un monologue destiné au plus jeune de ses fils, Louis Catella se dévoile.
Mouleur syndicaliste aux Fonderies et Aciéries du Midi, il s’épuise dans la fournaise des pièces à produire et le combat militant. Il raconte aussi la famille, l’amour de Rose, le chahut des garçons, les efforts rageurs pour se payer des vacances… Une vie d’ouvrier, pas plus, pas moins. Jusqu’au grand silence du 16 juillet 1974. Louis meurt accidentellement. Et pourtant l’impossible monologue se poursuit, retraçant la vie sans père de ce fils qui n’avait que sept ans au moment du drame. Partagé entre le désir d’échapper à ce fantôme encombrant dont tout le monde tisse l’éloge et la peur de trahir, c’est à lui maintenant de devenir un homme.
Ce roman intense brosse la chronique de la France ouvrière des années 60-70, le récit intime de l’absence, la honte et la fierté mêlées des origines.
Mon avis :
Peut-être que s’il l’avait connu plus longtemps, il n’aurait pas eu besoin de le faire parler. Il n’aurait pas eu à raconter l’usine dès 16 ans, le travail harrassant, les départs en vacances coincés à trois à l’arrière de la 2CV. S’il l’avait connu, il aurait peut-être mieux compris ces luttes de la classe ouvrière, le Parti communiste toujours en fond. S’il avait pu le retenir encore un peu, il n’aurait pas eu à subir le poids de cette figure paternelle présentée comme un exemple: celui sur qui on peut compter, celui qui travaille dur, toujours là pour les autres. Il aurait pu aussi peut-être mieux comprendre cette fierté de faire partie de l’usine, d’être à sa place dans le travail de tous les jours, cette camaraderie forte avec les collègues…
S’il l’avait connu plus longtemps… Mais ce père est mort alors qu’il n’avait que 7 ans. Ecrasé à l’usine par une pièce tombée d’un pont roulant. Petit dernier de la fratrie, il ne comprend pas vraiment sur le moment pourquoi ce père, qu’il avait vu encore le matin, ne rentrera plus ce soir. Alors des années plus tard, il a besoin de lui redonner la parole. Afin d’arriver à s’assumer lui-même. Et d’assumer enfin celui qu’il est devenu.
Après le silence retrace les luttes ouvrières des années 70. Mais il aborde surtout le poids de l’image d’un père disparu trop tôt et les sentiments mêlés de celui qui est né dans un milieu ouvrier: « Je ne suis pas ouvrier et je t’emmerde. Il faut être libre pour prononcer cette phrase, être sûr qu’on peut la dire sans blesser personne, que le père en face, entendant cette saloperie, sourie et comprenne au-delà des mots. Je ne suis pas ouvrier et tu dois être fier. » Un bel hommage au monde ouvrier et une belle déclaration à un père parti trop tôt…
Détails :
Auteur : Didier Castino
Éditeur : Liana Levi
Date de parution : 08/2015
Cette chronique a déjà été lue 4408 fois.
J’avais beaucoup aimé également, sur le même thème, Atelier 62 de Martine Sonnet
http://www.martinesonnet.fr/Site/Atelier_62.html
https://flaneriequotidienne.wordpress.com/
Merci. Je note la référence et je pense que je vais le commander (si je ne le trouve pas chez ma librairie…)