Ça fait un moment maintenant que je suis Franck-Olivier Laferrère sur Twitter. Mis à part le fait qu’il nous nargue régulièrement avec ses photos de plage idyllique, il y a toujours ses mots qui vont avec ses photos.
Alors quand il m’a proposé de découvrir La solitude de l’ours polaire de Louis Stéphane Ulysse, j’ai dit oui (et vous pouvez déjà trouver un extrait ici). Et j’en ai profité pour lui demander de nous présenter la maison d’édition.
Pouvez-vous présenter votre maison d’édition ?
L’origine d’E-FRACTIONS ÉDITIONS tient à la volonté de Paul Leroy-Beaulieu et moi-même d’inscrire dans le temps le travail commencé avec la publication du recueil Aimer, c’est résister.
Notre ligne éditoriale est aussi simple que claire : défendre et promouvoir exclusivement la littérature contemporaine sous toutes ses formes, poésie, théâtre, essai, roman, récit, et une collection particulière : Carnets contemporains, collection réservée aux journaux d’écrivains parce que nous croyons fermement que c’est à cet endroit-là que les écrivains contemporains peuvent ouvrir des brèches dans le discours commun que nourrit la langue un peu terne et plate de la communication.
Actuellement nous avons trois titres disponibles (Aimer, c’est résister, Lawrence d’Arabie à contre-corps et La Solitude de l’ours polaire) et un quatrième que nous annoncerons lors de la Book Expo in America fin mai.
L’équipe d’E-FRACTIONS ÉDITIONS est constituée de Paul Leroy-Beaulieu et moi-même, renforcée par l’artiste plasticien Pwcca ou Edith Noublanche, relectrice, correctrice mais surtout traductrice comme vous le découvrirez bientôt.
Ceci dit, si la cellule d’origine est assez étroite, nous ouvrons grand la porte à diverses collaborations professionnelles qui ne peuvent être qu’un plus pour le développement de cette maison.
Pourquoi avoir choisi, entre autres, le support en numérique et qu’est-ce que cela vous apporte ou vous permet d’apporter aux lecteurs ?
Le support numérique, en ce début – déjà bien entamé – de XXIe siècle, semble évident et ce quels que soient les récalcitrants qui donnent de la voix ici et là.
Mais je crois que pour Paul et moi il s’agissait surtout de définir, en actes, notre vision de l’avenir de l’édition de littérature : Un ebook qui remplace le livre de poche, non plus dans un second temps en vertu du succès de sa publication en grand format, mais en publication originale afin de permettre immédiatement un accès plus large de chacun à d’autres voix que les sempiternelles têtes de gondoles.
Le tirage papier de chaque titre paru aux éditions E-FRACTIONS est quant à lui pensé comme un bel objet, en série limitée.
Ceci étant, nos ebooks comme nos livres papier seront accessibles par tout un chacun dans l’ensemble du précieux réseau de librairies indépendantes qui, selon nous, n’est pas appelé à disparaître, mais seulement à légèrement muter sous l’influence de l’édition numérique de littérature. Ne serait-ce que parce que s’il y en a au moins un qui peut faire en sorte que le champ de possibles en matière de lecture, s’étende et se diversifie, c’est bien le libraire, plus que jamais inscrit dans son rôle de prescripteur au milieu de la jungle en pleine expansion, de la publication de littérature.
Est-ce que le fait de publier en numérique change quelque chose dans votre façon de choisir les prochains auteurs à publier ?
Alors, oui et non. Non dans le sens où, si l’édition numérique permet potentiellement de plus grandes facilités de publication, elle ne nous autorise pas – ou ne devrait pas nous autoriser – à publier tout et n’importe quoi. Le rôle d’éditeur n’est en rien modifié par l’édition numérique. En tout cas, c’est ce que nous pensons, loin de l’idée que tout texte possède quelque part son lectorat qu’il suffirait de trouver… Il y a les blogs qui permettent déjà à tout un chacun d’écrire et d’être lu. Nous, nous faisons des choix, absolument subjectifs, et ne publions que ce qui nous semble urgent et nécessaire. Des textes qui eux-mêmes, dans leur forme définitive, auront fait l’objet de choix de la part de leur auteur et de leur éditeur. Un livre, pour nous, qu’il soit numérique ou papier, reste un objet clos résultant de ces choix. Une œuvre aux contours délimités qui peut même, parfois, plaire pour ses manques autant que pour ses pleins.
Par contre, parce qu’elle nous autorise à une plus grande variété de choix quant aux formats des textes (brièveté ou longueur), oui, l’édition numérique de littérature change quelque peu la donne.
En voyant le nom de la maison d’édition ou en lisant votre manifeste, on a l’impression que vous partez en guerre. Contre qui ou contre quoi ?
Contre le discours commun de l’impossibilité de changer le monde. Commettre des effractions (ou de e-fractions ;-)) ce n’est pas faire la révolution. C’est tenter d’ouvrir des brèches, fussent-elles éphémères et minuscules. Ça se rapprocherait plutôt de L’homme révolté de A .Camus, des luttes sectorielles de M.Foucault ou des TAZ de Hakim Bey.
Et la création E-FRACTIONS ÉDITIONS, dans le fond, n’est que la tentative de mise en œuvre, dans le champ de l’édition de littérature contemporaine, de cette nécessité-là.
Si l’on s’en tient au discours commun, le monde de l’édition va mal, les gens ne lisent plus, les librairies indépendantes vont disparaître, etc., etc.
Nous ne croyons pas tout changer, mais au moins participer à essayer. Nous ne croyons pas plus que parce que nous réussirions à rendre les textes d’écrivains contemporains plus accessibles, tout le monde se mettra à les lire !
Nous refusons simplement de baisser les bras avant d’avoir essayé, ahanant la même litanie désespérée à longueur de statuts facebookiens ou de tweets, avachis dans le fauteuil du salon, l’œil triste devant la TV.
Quels sont vos projets pour les prochains mois ?
Éditer des textes auxquels nous croyons et que nous pensons nécessaires, défendre celles et ceux qui les ont écrits ou qui les écriront, mettre au service de la réconciliation des libraires et de l’édition numérique le concept original de diffusion des ebooks que nous avons développé, prêter main forte à certains éditeurs traditionnels de littérature que nous aimons afin qu’ils ne disparaissent pas tout de suite, tout au moins pas avant d’avoir usé de leur dernière cartouche.
Un texte en particulier à nous recommander pour découvrir votre maison d’édition ?
Tous ! (sourire)
Url: http://e-fractions.com
Facebook: https://www.facebook.com/pages/E-FRACTIONS-EDITIONS/247352058701586
Merci à Franck-Olivier d’avoir répondu à mes questions.
Cette chronique a déjà été lue 10244 fois.
Les éditions E-fractions….Une maison qui donne à l’édition numérique un sens, et des lettres de noblesse, faisant de la lecture numérique une véritable expérience graphique, esthétique, une plongée dans un univers tout entier. Et promouvoir la littérature contemporaine sous forme contemporaine relève, selon moi, non de l’urgence, mais en tout cas d’une nécessité.
Si les éditions E-fractions peuvent parfois donner l’impression de partir en croisade (j’en atteste par mes courts échanges avec Franck-Ollivier sur Twitter, homme charmant au demeurant…-)), rappelons que, encore aujourd’hui, l’édition numérique est attaquée, critiquée, souvent même avant d’y avoir goûté. Non, l’édition numérique ne tuera pas le livre, et non, l’on ne cessera pas d’acheter des livres. Réfléchissons seulement à ce que le livre numérique (à distinguer du livre numérisé) peut apporter à l’expérience de la lecture, au partage et à l’échange d’informations et de textes !
Les édition E-fractions nous en apportent la démonstration.
Très bonne lecture !