La voisine était revenue tristement chez elle, où l’attendait l’autre voisine et les fillettes, et pendant un moment toutes les quatre avaient fait l’expérience de ce qu’est se trouver dans le purgatoire, une longue attente impuissante, une attente dont la colonne vertébrale était l’abandon, quelque chose de très latino-américain par ailleurs, une sensation familière, quelque chose, si l’on y songeait bien, dont on faisait l’expérience tous les jours, mais sans angoisse, sans l’ombre de la mort survolant le quartier tel un vol de zopilotes, épaississant tout, bouleversant la routine de tout, mettant toutes choses sens dessus dessous. Ainsi, tandis qu’elles attendaient que le père des fillettes arrive, la voisine avait pensé (pour tuer le temps et la peur) qu’elle aimerait avoir un revolver et sortir dans la rue. Et après, quoi ? Eh bien, faire feu en l’air pour faire passer sa colère et crier « Viva Mexico » pour faire provision de courage ou pour ressentir une dernière chaleur, et ensuite creuser avec les mains, à une vitesse folle, un trou dans la rue de terre damée et s’enterrer elle-même, trempée jusqu’à la moelle, à tout jamais.
2666 – Roberto Bolaño
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