Une très belle écriture pour démonter les rouages de la mécanique de notre monde moderne.
Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?
Ça fait déjà un moment qu’il est noté dans ma liste celui-ci. J’ai du lire un bon avis dans Lire certainement. Et puis je suis tombée par hasard dessus dans une librairie. Alors je l’ai emmené.
La quatrième de couv :
Il s’appelle Nicolas Angstrom. Il est spécialiste des photocopieurs. Servir ses machines lui procure le bonheur de l’honnête homme. La mécanique est certaine, tempérée, sans surprise. Elle remplit sa vie. Ça tombe bien, parce que le passé de Nicolas est des plus lourds et frappe souvent à sa porte. Après son licenciement, le présent se peuple de rencontres singulières et saugrenues. Les personnages les plus étranges vont soudain trouver de l’intérêt à cet être insignifiant. Avec eux, Nicolas va découvrir une autre réalité, celle de la mécanique du monde – ses faux-semblants et ses engrenages souterrains. Il va vite regretter sa petite vie bien huilée et sans histoire car il est des trappes qu’on se garderait bien d’ouvrir…
Mon avis :
Au début, ce qui déraille un peu, c’est juste la mécanique bien huilé que connait Nicolas. Lui, « le meilleur réparateur de photocopieur, peut-être du monde » n’arrive plus à communiquer avec ses machines. Et c’est d’abord une qui lui résiste, puis la suivante. Et le voilà pris dans une spirale infernale qui va le laisser sans travail, sa société ayant été rachetée une nuit par une compagnie indienne qui a décidé que le marché des photocopieurs n’est pas assez rentable. Nicolas se retrouve donc seul chez lui à tourner en rond, entouré de ses souvenirs et des photos de la princesse Nadia, morte un soir dans un accident de voiture. Jusqu’à ce qu’il rencontre Gabriel, une espèce de SDF d’un genre un peu particulier qui a élu « domicile » en bas de son immeuble.
Mais là où ça devient plus intéressant, c’est quand Foglino va peu à peu nous démonter de manière bien métaphorique cette mécanique du monde qui nous entoure.
La mondialisation et notre chère société de la consommation pour commencer. Avec par exemple une société Nonex qui va racheter Xenon pour devenir Nexon. On imagine bien sûr les changements d’orientation stratégique qui en découlent et les licenciements qui s’en suivent… Ça ne vous rappelle pas quelque chose tout ça ? Nicolas plus de vingt ans de bons et loyaux services, sans un arrêt maladie, sans un seul jour de congé, lui pour qui le travail est une passion, voilà qu’il se retrouve confronté à lui-même et à cette mécanique implacable de notre monde moderne.
Ensuite c’est à la mécanique de notre identité qu’il va s’attaquer. Car dans ce monde de l’image, du paraître, chacun nous invente comme il l’entend. Pour tel chauffeur de taxi, Nicolas sera un casseur de banque, un voleur d’âme pour un passant dans le métro et finalement un vecteur de bonté pour les SDF. Chacun se forge une opinion à partir de l’image sociale que nous renvoyons. Qui sommes-nous au fond ? Renvoyons-nous l’image de ce que nous sommes réellement au fond de nous ? Ou alors plutôt une adaptation de ce que les autres attendent de nous ? Et pour Nicolas qui se refuse à connaître un bout de son passé, cela prend encore plus de sens. Comment se définir dans la vie quand une part importante de ce qui l’a façonné reste enfouie au fond d’une malle sous une tonne de déguisements ?
D’autres mécaniques sont encore lentement démontées dans ce roman au rythme magnifique. Mais je vous laisse les découvrir à votre propre rythme.
Extraits
Un premier extrait de ce livre a été posté dans l’extrait du mardi.
« Vous croyez être qui ? Vous croyez être vous-même ? Vous vous levez, vous travaillez, vous avez des amis, une femme, je ne sais pas, une maison. Quelle blague ! C’est quoi vous-même ? Les gens, ils font de vous ce qu’ils veulent. Ça serait une grosse erreur de croire le contraire. Ils parlent de vous, ils ont des opinions sur vous, ils savent ce que vous faites et croient savoir d’autres choses que vous avez peut-être bien faites. On leur a dit que. Il paraît que. Ils imaginent, ils interprètent, ils déduisent. Ils vous inventent, et vous ne le savait même pas. Vous avez des tas de vies dont vous ne soupçonnez pas l’existence… » p.37
« Je volais des âmes. Moi. Je l’ai regardé avec des yeux ronds. L’âme n’est pas un sujet sur lequel je pourrais vous faire des exposés savants. La mienne n’est pas un fauve affamé mordant les barreaux de sa cage, à réclamer ses quartiers de passion saignante. Elle gît sous son linceul d’encre dans mon cimetière des paroles mortes. J’y veille. Protéger et servir mes photocopieurs suffisaient à me rassasier de la fierté de l’honnête homme. » p.11
Détails :
Auteur : Bernard Foglino
Editeur : 10/18
Date de parution : 04/03/2010
189 pages
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