Claudie Gallay, Nathalie Kuperman et Bertrand Runtz sont les invités de cette soirée Paroles d’Encre d’octobre. C’est à Bertrand Runtz qualifié de « régional de l’étape », car il habite près de Versailles, que revient l’honneur de commencer. Il est déjà venu plusieurs fois et l’animateur le tutoie. Nathalie Kuperman vient ici pour la première fois. Quant à Claudie Gallay, c’est une habituée, invitée avant le succès incroyable de Les déferlantes.

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Bertrand Runtz

Reine d’un jour, Bertrand RuntzEcrivain et photographe, Bertrand Runtz publie avec Reine d’un jour un livre qualifié par l’animateur de « roman photo ». En effet, il s’agit d’un recueil de nouvelles accompagnées chacune d’une photo. Ces nouvelles tournent autour de son histoire familiale, et leur association fait de ce livre une sorte de roman familial.

Aux questions qui lui sont posées, Bertrand Runtz explique qu’il a délaissé un roman en cours pour écrire ce livre, et que le genre de la nouvelle lui convient bien. Cependant il considère cette œuvre comme un « roman de nouvelles » : chaque texte peut être lu séparément des autres, mais comme les personnages se retrouvent d’un texte à l’autre, il est important d’en suivre la chronologie, comme dans un roman.
Il est l’auteur de certaines photos choisies, et d’autres sont extraites de l’album familial.

Cependant il ne s’agit pas d’une autobiographie ni d’un simple roman historique : Bertrand Runtz a pris le parti d’aborder de manière romanesque les anecdotes ou histoire utilisées, il aime faire du « recyclage » de ce matériau familial. Il fait même un parallèle avec son activité de sculpteur : il crée ses œuvres à base de vieux livres récupérés dans des greniers. Il a ici cherché à bâtir des histoires autour de quelque chose qui l’a touché, et dont il espère que cela touchera le lecteur.

L’avis de Paroles d’Encre : « Chaque nouvelle mise bout à bout (…) forme un véritable roman de la famille, intimiste et superbement écrit ».

Reine d’un jour, Bertrand Runtz, Ed. Finitude

Nathalie Kuperman

Nous étions des êtres vivants, Nathalie KupermanAuteur reconnue de livres pour enfants, Nathalie Kuperman a aussi su séduire les grands. Nous étions des êtres vivants est son sixième roman, inspiré par une douloureuse expérience professionnelle : employée par une société d’édition de livres pour la jeunesse, elle a vécu avec les autres employés le rachat et la restructuration de son entreprise. Pourtant, elle a commencé ce livre sans savoir qu’elle y parlerait de son travail. L’envie d’écrire est venue en regardant l’air triste des gens dans le métro, qui lui a inspiré la phrase titre. Elle n’a pas souhaité écrire un essai ou un témoignage, car elle se sent mal à l’aise avec cette forme de récit. C’est donc le roman qui s’est imposé.

Lorsque la société est rachetée, après une période économiquement difficile, l’espoir renaît. Mais le repreneur, que les employés ne verront jamais, décide de restructurer l’entreprise. Vient alors le temps des menaces, du dérèglement, de la trahison. Les personnages qui vivent ce drame ne sont pas faits d’un bloc, ils évoluent  en fonction des événements. Le livre met donc en scène un microcosme humain, avec ceux qui ne vivent que pour leur travail et les autres qui vivent aussi pour eux-même, ceux qui finiront par trahir et qui se révèlent bien différent de ce qu’on aurait cru au début. Elle analyse aussi l’effritement de la frontière entre vie intime et vie professionnelle qu’une telle situation peut provoquer. Par exemple, l’annonce d’un déménagement des bureaux va provoquer des réactions inattendues, et même quelques situations cocasses.

A mesure qu’elle écrivait, Nathalie Kuperman a pris conscience que la situation qu’elle vivait n’était pas supportable, la fiction lui a fait toucher du doigt sa propre réalité. Elle a fini par démissionner.

Une phrase extraite du livre : « Nous étions des êtres vivants, qui deviennent soudain des êtes à côté, plus considérés. »

Nous étions des êtres vivants, Nathalie Kuperman, Ed. Gallimard

Claudie Gallay

L’amour est une île, Claudie GallayPour Claudie Gallay, l’exercice d’écrire un nouveau roman, après l’immense succès de Les déferlantes (300 000 exemplaires vendus, plus 100 000 en poche), était difficile : de nombreux lecteurs lui demandaient la suite qu’elle ne souhaitait pas mettre en chantier. Consciente de sa chance inouïe, selon ses propres mots, cela n’enleva rien malgré tout à ses doutes face à l’écriture quand elle a pris une feuille pour recommencer à écrire. Elle a choisi de s’immerger dans un univers à l’opposé de Les déferlantes, pour rebondir et ne pas écrire quelque chose « qui ressemble à ».

L’amour est une île se déroule à Avignon pendant le festival, lors de l’été caniculaire de 2003, en pleine grève des intermittents du spectacle. Il règne donc une atmosphère étouffante, pesante dans cette ville enfermée dans ses murs. Les personnages tournent autour du théâtre et de l’amour des mots. Odon, metteur en scène, vit à l’écart sur une péniche, dans l’attente du retour d’une femme qu’il a aimé, et qui est partie pour un texte, persuadée que ce texte allait faire dévier son destin, lui permettre de devenir célèbre et prendre une revanche sur sa vie passée. Elle revient à Avignon, sous le nom de la Jogar, actrice reconnue. D’autres personnages imprégnés du théâtre gravitent autour, comme Marie qui vient l’écouter dire les mots écrits par son frère disparu.

La question posée par ce livre et surtout par le personnage central est : peut-on être une grande actrice sans sacrifier sa vie ? Claudie Gallay pense que la Jogar aurait pu, qu’il y avait de la place dans la vie pour tout, mais qu’elle a eu peur de ne pas pouvoir vivre à la fois le théâtre et sa vie.

L’animateur met en avant la qualité des descriptions, la traduction de l’atmosphère, souligne une belle écriture même si les phrases sont courtes. Claudie Gallay dit avoir beaucoup « gratté », enlevé l’inutile à la relecture pour rechercher un rythme saccadé en harmonie avec ses personnages.

L’avis de Paroles d’Encre : « les personnages (…) sont à vifs, tourmentés et sensuels, cherchant la lumière. Dans ce nouveau roman se révèle toute l’ambigüité de tout comportement humain ».

L’amour est une île, Claudie Gallay, Ed. Actes Sud

Pour cette soirée entièrement consacrée à la rentrée littéraire, le choix ne fut pas facile. La cuvée 2011 est une bonne cuvée, riche en qualité. Cependant les choix faits par Paroles d’Encre ont séduit le public, qui est intervenu pour dire toute l’admiration qu’il a déjà pour ces livres. Je ne saurais donc trop vous recommander de suivre les avis de l’association !

Pour tous renseignements sur le fonctionnement de l’association ou son programme, vous pouvez écrire à parolesdencre@wanadoo.fr

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