Donner une voix à tous ceux qui tentent le tout pour le tout dans l’espoir d’une vie meilleure. Parce que ce n’est pas du cinéma. Bouleversant.

Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?

Un livre proposé lors du dernier MassCritique de Babelio. C’est la 4e de couverture qui m’a séduite.

La quatrième de couv :

« C’est l’histoire de douze hommes et une femme. La femme est enceinte : douze plus un quatorze. Quatorze personnages qui traversent le grand bleu dans le noir. Quinze avec le petit bateau en bois. Seize, avec la Lune qui les observe de son œil mort. Dix-sept avec la mer dans tous ses états. Dix-huit avec le panier à fruits. Dix-neuf même, en comptant le ver qui embarque à bord d’une pomme. »
Les clandestins, douze hommes et une femme, trouvent la mort là où ils espéraient la vie, rejetés sur une petite plage du nord du Maroc. Ils ont, comme tant d’autres avant eux, rêvé de départ et tenté de rejoindre l’Europe, ici seulement distante d’une vingtaine de kilomètres. Et ils ont payé de leur vie ce désir d’ailleurs qui les a poussés à s’embarquer sur un esquif bien trop fragile.
Retraçant l’histoire des treize noyés en courts chapitres à travers le souvenir qu’ils ont laissé dans leur village, Youssouf Elalamy a su trouver une construction narrative aux résonances de chœur antique méditerranéen, alliée un style à la fois moderne et lyrique, pour évoquer une poignée de destins tragiques, emblématique de toutes les formes d’exils.

Mon avis :

Leur seule erreur, habiter du mauvais côté du détroit de Gibraltar. D’un côté, du leur, des mois et des mois sans pluie, le poisson qui devient rare, la terre qui ne produit plus rien. Et pourtant, la famille à nourrir quand même. Alors, d’abord, ils ont tenté la ville, pour trouver du travail, pour ramener un peu quelque chose et garder leur dignité d’homme. Mais même là, il n’y a pas assez pour tout le monde. De l’autre côté, le nôtre, la promesse d’un avenir meilleur, de travail, de nourriture à mettre dans le ventre des petits. Car, pour eux, l’Europe c’est, « à quelques vingt kilomètres seulement, là-bas, par-delà le brouillard, et, dans leurs yeux humides, l’image de cette contrée où l’on trouve encore du travail, où les chemins sont pavés d’or et où fleurit l’arbre de la liberté ».

Alors, ils sont treize à prendre la mer sur une petite barque. Treize à tenter de rallier cet autre côté qui leur semble paradisiaque. L’auteur va leur consacrer à chacun un chapitre. Chacun avec sa voix va nous raconter sa vie, ce qui l’a poussé à en arriver là. Et dès le départ on sait pourtant que cette barque n’atteindra jamais les rives tant attendues. Mais on s’attache quand même, et très vite, parce que l’auteur sait leur donner une épaisseur à ses personnages. Et ces treize-là parlent pour tous ceux qu’on a vu aux informations un jour, qu’on a oublié presque aussitôt, parce qu’ils étaient loin finalement ces morts, parce que le jour-là on avait autre chose en tête ou parce que c’est la vie tout simplement.

Ils parlent haut et fort ces treize, « et pour longtemps encore. Tant qu’il y aura un ici et un ailleurs. Et la mer entre les deux. Tant qu’il y aura un là-bas. De l’autre côté de la mer. Et s’il n’y a pas de musique et pas de tambours pour accompagner tout ça, pas d’écran et pas de ticket non plus, c’est pour dire que tous ces noyés sur le sable, on pourra dire ce qu’on veut, c’est pas du cinéma. »

Extrait :

Lire le début du livre sur le site des éditions Au Diable Vauvert.

« Pas vrai qu’on n’en a qu’une de vie, maman ? Tu sais bien toi qui l’as vu partir sans avoir jamais osé embarquer. Oui, partir pour ne plus avoir à compter les cailloux, comme mon père, son père et son père avant lui, à suivre le chemin qu’ils ont tracé pour moi, pour mieux me perdre sans doute. Dis-moi, pourquoi faut-il que la terre qui m’a vu naître me voit mourir un jour, que le monde s’arrête là où les vagues déposent la mer sur le sable ? Non maman, je refuse d’être cette bête à quatre pattes, les yeux sur la terre qui a cessé de la nourrir. Oui, partir pour ne plus espérer la pluie qui ne vient pas, le ciel qui ne répond, la vie qui ne pousse pas, et cette herbe partout, non, je n’y toucherai pas, maman, ne t’en fais pas, je crois pouvoir encore vivre sans donner la mort, vivre sans tourner le dos à la vie, même si, des fois, tu sais, il faut que tu saches, comment dire, oui, je me brûle pour voir si j’existe encore et, tu sais, maman, j’existe suffisamment encore pour partir. »

Détails :

Auteur : Youssouf Amine Elalamy
Prix Atlas 2001
Editeur : Au Diable Vauvert
Date de parution : 05/2001
168 pages

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