Aux prolétaires en cravate
Aux cheveux coupés
Aux barbes rasées
Aux yeux maquillés
Aux pulls, aux T-shirt
Aux robes, aux tailleurs, aux jean
Aux piercings, aux boutons de manchettes
Aux lunettes remboursées par la mutuelle
À la moquette aspirée matin
À l’esplanade effondrée
Au bâtiment de verre pilé
Au RER grinçant
À la boulangerie du midi
Au quai encombré d’hiver
À l’heure du départ le soir
Aux réunions posées à 13 heures
Aux entretiens d’embauche en zone 5
Au standard-accueil
À l’ancien collègue croisé par hasard sur un quai
Au stagiaire sans salaire
Aux ouvriers jamais croisés à cette heure
Aux chômeurs jamais croisés deux heures plus tard
Au candidat jamais revu
Au jour de grève des transports
À la lecture dans le métro
À la correspondance toujours ratée
Au panneau d’affichage des syndicats
Au nouveau qui fait le tour des bureaux avec son chef
Au rapport de force par mails interposés
À la pause déjeuner
À la conversation difficile et forcée
Au rendez-vous d’afterwork
À ceux qui se voient après le boulot
À l’invitation à dîner
À la discussion cinéma
À l’ex-collègue qu’on croit revoir, qu’on ne reverra plus
À l’ascenseur, ses ‘bonnes journées’
À l’arrêt maladie
Au départ un peu plus tôt ce soir parce que
Au je serai en retard dit par téléphone
À la convocation chez le n+2
À la musique écoutée au casque en codant
Aux mp3 sur le disque dur de boulot
Aux comptes-rendus de réunion à rendre avant le
Aux dossiers de spécifications de 250 pages
Aux post-it gribouillés et froissés
Aux toilettes de l’étage en travaux
Au coup de barre de 14h30
Au double-expresso de 15h
Au powerpoint support de travail
Au fichier excel qui sait tout calculer
À la pièce jointe oubliée dans le mail
À celui qui est syndiqué mais le dit pas
À celle qui distribue toujours des tracts à l’entrée
À ceux qui acceptent
À ceux qui renoncent
À ceux qui tiennent
À ceux qui s’en foutent
À ceux qui disent qu’ils s’en foutent
À ceux qui disent qu’ils ne s’en foutent pas, mais
À ceux qui ne disent pas mais
À celui qui parle politique tous les midis
Au patron de PME, jouet des clients, multinationales
Aux commerciaux, jouets de celui-là
À leurs équipes, à bout de chaîne
Aux autres encore plus au bout
À celui monté trop vite donner des ordres
À celle qui n’a pas su négocier son salaire
À celui qui ne sait que montrer les crocs
À celle qui sait utiliser son charme
À celui qui aime terminer au prud’hommes
À celle qui préfère se taire
À ceux qui n’ont pas la force de trouver la force
À ceux qui ont essayé et ont échoué
À ceux qui essaieront toujours
À ceux sans espoir que l’espoir n’a pas quitté
À ceux qui n’y pensent pas
À ceux silencieux
qui peut-être n’en pensent pas moins
Sans – Joachim Séné
Cette chronique a déjà été lue 6512 fois.
Commentaires récents