Je ne sais pas ce qui se passe, peut-être que je vieillis – même si je n’ai pas encore tout à fait trente ans – j’ai l’impression que les gosses changent. Ils ont l’air trop sérieux avec leurs vêtements d’adultes plein d’étiquettes, de tirettes et de bandes fluorescentes. On dirait qu’ils s’ennuient ou qu’ils en ont déjà marre. À leur âge, je passais des heures à jouer au foot et je souriais tout le temps. Je ne savais même pas comment on faisait pour être triste. Là, je me balade avec ma cloche, je leur offre mes sapins de Noël et ça ne leur fait même pas plaisir. J’ai envie de leur parler, de leur faire comprendre qu’ils se trompent, que ça ne sert à rien de jouer aux adultes à leur âge, qu’ils auront toute la vie pour ça, mais c’est inutile. On ne change pas les gens, mêmes les tout petits, avec des mots. Ce qu’il leur faudrait, à tous ces petits fils de riches, ce sont des gamins sans éducation et sans argent, qui traînent dans la rue mais qui leur feraient comprendre qu’une demi-journée entre copains ça vaut plus que tous les jouets du monde, plus que tous les vêtements de l’univers. Mais c’est impossible. Quand on a le privilège de ne manquer de rien, il faut bien qu’on s’invente d’autres raisons d’être heureux. Et surtout des prétextes pour ne pas l’être. Comme ça on peut acheter, et se faire croire que ça va tout arranger. Une nouvelle maison de poupées rose écoeurant, un nouveau jeu vidéo pour regarder l’écran même quand il n’y a rien à la télé, une pile de DVD pour ne pas avoir envie de courir dehors quand la nuit est tombée.
Les ours n’ont pas de problème de parking – Nicolas Ancion
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