Soudain je ris de moi avec amertume parce que peut-être, ce flocon me faisait du mal pour rien. Ce n’était pas sa mère qui l’avait brodé. Ce bonnet, on le lui avait acheté, comme ça, déjà brodé dans une usine, et que plein d’autres que lui en avaient porté, en portaient encore, le même.
Parce que si vous voulez savoir ce qui moi me faisait du mal, et qui m’en fait jusqu’au jour de maintenant, c’était de voir ce genre de choses sur les habits des Juifs que nous allions tuer : une broderie, des boutons en couleur, ou dans les cheveux un ruban. Ces tendres attentions maternelles me transperçaient. Ensuite je les oubliais, mais sur le moment elles me transperçaient et je souffrais pour les mères qui s’étaient donné ce mal, un jour. Et ensuite à cause de cette souffrance qu’elles me donnaient, je les haïssais aussi. Et vraiment je les haïssais autant que je souffrais pour elles.
Et si vous voulez savoir encore, ma haine était sans fin lorsqu’elles n’étaient pas là pour serrer contre elles leurs joies sur terre pendant que moi je les tuais. Un jour, elles leur avaient brodé ou mis un ruban dans les cheveux, mais où étaient-elles lorsque je les tuais.
Un repas en hiver – Hubert Mingarelli
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Il fait partie de ceux qui me tentent de cette rentrée littéraire, je ne connais pas du tout l’auteur mais le sujet me parle beaucoup… L’extrait est vraiment prometteur !
J’ai trouvé l’extrait au hasard dans le livre. Peur de m’y attaquer vraiment. Il ne va pas être très joyeux…