Une construction impeccable, un roman sombre et violent, historiquement intéressant, mais, mais…
Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?
Il a déjà fait le tour de la blogosphère. Je n’attendais que de trouver l’occasion de le lire.
La quatrième de couv :
En 1992, l’union soviétique s’effondre et la population estonienne fête le départ des Russes. Mais la vieille Aliide, elle, redoute les pillages et vit terrée dans sa maison, au fin fond des campagnes.
Ainsi, lorsqu’elle trouve Zara dans son jardin, une jeune femme qui semble en grande détresse, elle hésite à lui ouvrir sa porte. Ces deux femmes vont faire connaissance, et un lourd secret de famille va se révéler, en lien avec le passé de l’occupation soviétique et l’amour qu’Aliide a ressenti pour Hans, un résistant. La vieille dame va alors décider de protéger Zara jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix.
Mon avis :
D’un côté, il y a Hans. A travers des lettres qu’il a commencé à écrire en 1946, il raconte sa vie à partir du moment où il s’est retrouvé enfermé. Enfermé par sa belle-sœur Aliide, sous prétexte de le protéger pendant la guerre, lui qui est soupçonné de trahison. Aliide a toujours été amoureuse de Hans. Mais c’est Ingel, sa sœur, qu’il a épousé et aimé. Et ça, Aliide ne s’en est jamais remise. Au point même de jouer un jeu dangereux pendant la guerre…
En parallèle, il y a l’histoire d’Aliide et Zara. Zara se retrouve un beau jour de 1992 devant la ferme reculée d’Aliide. Par hasard semble-t-il. La plus âgée n’a pas vraiment l’habitude de voir du monde. Elle s’approche peu de ses voisins et ils le lui rendent bien. De toute façon, elle vit avec la peur, encore, de voir la police arriver chez elle. La plus jeune fuit la misère, la violence, la prostitution. Et tente de démêler les histoires de sa famille…
Alternant les lettres de Hans, le récit actuel d’Aliide et de Zara, Sofi Oksanen mêle aussi les flash-back sur l’histoire de la vieille Aliide pendant la guerre et de la jeune Zara, nous expliquant comment, et surtout pourquoi, elle est arrivée un jour devant cette ferme. La construction est impeccable, l’aspect historique très intéressant aussi, l’ambiance générale, grave, sombre et violente, est très bien rendue. Deux types de personnages s’affrontent et se complètent : celle qui a été manipulatrice à un moment de sa vie et celle qui s’est faite manipulée. Mais, car il devait y avoir un mais, l’aspect descriptif est parfois trop présent, trop pesant. Il manque une certaine dimension aux personnages, un petit quelque chose en plus pour nous permettre de réellement prendre part à cette histoire. Quasi tout le long, je me suis sentie en retrait de cette histoire.
Alors même si ce roman est indéniablement une réussite, il y a eu ce manque, de mon côté, qui m’a empêché de faire de ce livre un coup de cœur.
Détails :
Auteur : Sofi Oksanen
Traducteur : Sébastien Cagnoli
Prix : Prix Fémina étranger 2010, Prix du roman FNAC 2010
Editeur : Stock
Date de parution : 08/2010
400 pages
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Je suis en train de terminer ce livre et je ressens exactement la même chose que toi. Les descriptions sans fin…. les non-dits trop présents, ça me lasse…. et surtout ça ne me touche pas. Et pourtant…
Oui, et pourtant… Ce livre a vraiment plein de qualités, mais ce côté détachés des personnages m’a gênée…
Je suis d’accord avec toi, j’ai trouvé les personnages inaccomplis, très froids.
Il n’y a donc pas un consensus positif sur ce livre… Ça fait du bien de voir que je ne suis pas la seule à n’avoir pas adoré ce livre…
Très intéressant ton point de vue sur ce roman que j’ai vraiment beaucoup aimé. Je n’ai pas ressenti ce détachement… mais je crois que je le comprends.
Il ne manque pas grand-chose pourtant. C’est un petit quelque chose qui donnerait l’impression d’avoir accès aux pensées profondes des personnages. Là j’ai juste eu l’impression d’effleurer…
les personnages sont détachés, cela est dû en partie à l’histoire (soviétique) de ce pays, où ne rien dire, ne rien faire.
Oui, ça je comprends aussi. Et j’y ai pensé également quand j’ai ressenti ce problème. Mais même si c’est une question culturelle, je pense qu’il est possible quand même pour les auteurs de « rendre » les émotions d’une manière différente.
c’est vrai , c’est exactement ce que j’ai ressenti aussi.
Et voilà, donc tu vois, tu n’es pas si seule finalement 🙂
Comme toi, je n’ai pas eu le « coup de coeur », même si j’ai trouvé ce roman très fort.
Oui, ça n’enlève rien à ce roman. Ce n’est pas du tout un roman facile !
C’est drôle car c’est justement ce détachement et les parts d’ombres qui m’ont séduit, l’impression qu’on se contentait de nous présenter des faits (et des sentiments) sans jugement afin de les interpréter plus librement…
Oui, dans certains romans, ça ne me gêne pas. Ça fait souvent la force de certains textes. Mais là, j’ai ressenti un certain manque par rapport à ça. Ce n’est pas une question de jugement, mais d’épaisseur des personnages…
J’ai « dévoré » ce livre. Sa construction, ses aller-retours, son style, tout celà m’a beaucoup séduit. Mais … s’il y a bien une approche forte des méfaits soviétiques des années 46-50 en particulier, s’il y a bien une démonstration forte des violences soviétiques, s’il y a bien une démonstration forte des violences sexuelles que ces femmes subissent, (tant lors des interrogatoires des tchekistes, que par les mafieux (Pacha laurenti ..), il y a un vide sidéral sur les violences subies par la totalité de la communauté juive qui fut massacrée intégralement par les allemands-estoniens en 41.. ) Si ce livre apparait bien comme un rappel de mémoire, il y a là un oubli suspect,à la limite de la malhonneteté intellectuelle.. (Hans, objet d’idolatrie des deux soeurs, s’engage bien dans l’armée allemande.Il y a fait ce brave Hans ??)
Il y a un parti pris de l’auteur. On ne peut pas tout aborder, tout traiter. Il faut choisir un angle d’approche et les violences subies par la communauté juive n’en font visiblement pas partie. Enfin, c’est comme ça que je vois ce « vide sidéral ». Mais je me trompe peut-être totalement. Je ne suis pas du tout spécialiste des questions historiques, ni des choix d’écriture…
C’est surtout un des plus beaux livres sur la trahison construite méthodiquement par un système politique et par sa gangrène sur plusieurs générations.
J’ai compris que personne, je dis bien personne, ne s’en est sorti à bon compte dans les pays qui ont connu le totalitarisme soviétique. Et, nous restons en période de cicatrisation.
J’ai trouvé ce livre somptueux et incroyable au vu de l’âge de son auteure. J’ai hâte de lire son premier roman qui vient enfin d’être traduit.
Je ne sais pas si c’est le plus beau. Je suis vraiment restée à la porte du roman, avec ces personnages qui ne s’ouvraient pas à nous… Peut-être que j’accrocherais plus à son premier roman… A suivre !
Le meilleur Oksanen pour moi.
Je n’ai pas encore pris le temps d’en lire d’autres…