Un grand coup à l’estomac ! Voilà ce que je me suis pris avec ce livre. Ça m’a laissé sans voix, ça m’a énervé et ça m’a bouleversé.

La quatrième de couv :

Une île sauvage du Sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal.

La rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar, et la situation devient vite incontrôlable. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.

Sukkwan Island est une histoire au suspense insoutenable. Avec ce roman qui nous entraîne au coeur des ténèbres de l’âme humaine, David Vann s’installe d’emblée parmi les jeunes auteurs américains de tout premier plan.

Mon avis :

Il m’est assez difficile de parler de ce livre et ce pour plusieurs raisons. D’abord, en parler vraiment reviendrait à dévoiler une partie (importante) de l’histoire. Et pour ceux qui ne l’ont pas lu, ça ne serait pas très sympa. Ensuite parce qu’à chaque fois que j’essaye de rédiger un début de note, j’ai cette colère qui me reprend, comme quand je lisais le livre. Et honnêtement, c’est rare que j’ai autant envie de m’attaquer à un être imaginaire. Mais essayons tout de même de voir pourquoi ce livre mérite le détour…

J’avais sciemment évité de lire de trop près les notes de blogs ou d’ailleurs sur ce livre. Je voulais le découvrir vraiment, sans a-priori. Et je me suis prise une très, très grosse claque.

Le roman commence par une fable assez sympathique sur la création du monde que Jim raconte à son fils Roy. Ce n’est que la première page, mais à ce moment-là j’étais partie sur une gentille balade (bon d’un an la balade, mais quand même), l’histoire père-fils-on-ressoude-les-liens. J’y allais donc le coeur léger ! Ça n’a pas duré.

Jim et Roy arrive donc sur l’île de Sukkwan. Isolé de tout et de tous, avec comme seuls bagages, quelques boîtes de conserves et quelques outils pour bricoler sur place. Quand on sait qu’on est au fin fond de l’Alaska, ça paraît assez maigre pour survivre. Quand en plus on se rend compte que Jim n’est pas bricoleur pour deux sous et n’a à peu près rien préparé, rien planifié pour leur survie, on commence à se dire qu’il est un peu inconscient comme père.

Mais ce qui m’a mis hors de moi avec ce père, ce n’est pas tant ses manques au niveau matériel. Non, ce qui m’a donné envie de lui rentrer dedans, c’est son égoïsme tout le long du livre et surtout pendant la première partie.

Parce que dans ce livre, je me suis retrouvée prise au piège, comme Roy, de la dépression de ce père. Ce père qui a besoin d’un regard extérieur, son fils, pour en quelque sorte légitimer ces actes. Pour avoir d’une certaine manière quelqu’un qui lui dise « allez va, t’es pas si mal que ça comme père et comme homme ».

Et devant cet homme, Roy ne sait pas comment réagir. Par peur de « tuer » son père si jamais il disait quelque chose de mal, s’il faisait quelque chose qui décevrait son père, comme quitter l’île par exemple. Il devient responsable de son père et efface ses propres désirs, ses propres besoins pour soutenir son père. Jusqu’à la toute dernière phrase de cette foutu page 113 qui clôt la première partie de ce livre !

Dans la seconde partie, ça se traine, ça piétine. Pas du fait de l’auteur non. Enfin en quelque sorte si. Autant dans la première partie, le père était encore un tant soit peu actif, autant dans cette deuxième partie, il ne fait plus aucun effort. Et cela transparait dans l’écriture de Vann.

Alors oui, le style n’est pas tout le temps au rendez-vous dans ce premier roman. Mais je crois que je n’ai jamais eu autant envie d’étrangler moi-même un personnage. Rien que d’y penser, ce roman me file encore un coup à l’estomac et me donne l’impression que je suis un peu restée là-bas sur Sukkwan Island avec Jim et Roy.

Extraits

Un premier extrait de ce livre a été posté dans l’extrait du mardi.

« Observant l’ombre noir qui bougeait devant lui, il prit conscience que c’était précisément l’impression qu’il avait depuis trop longtemps ; que son père était une forme immatérielle et que s’il détournait le regard un instant, s’il l’oubliait ou ne marchait pas à sa vitesse, s’il n’avait pas la volonté de l’avoir là à ses côtés, alors son père disparaîtrait, comme si sa présence ne tenait qu’à la seule volonté de Roy. » p.100

« Mais il se demandait pourquoi ils étaient là, quand tout ce qui semblait importer à son père se trouvait ailleurs. […] Il commençait à se demander si son père n’avait pas échoué à trouver une meilleure façon de vivre. Si tout cela n’était pas qu’un plan de secours et si Roy, lui aussi, ne faisait pas partie d’un immense désespoir qui collait à son père partout où il allait. » p.112

Détails :

Auteur : David Vann
Editeur : Gallmeister
Date de parution : 07/01/10
192 pages

Livre lu dans le cadre de l’opération Masse Critique de Babelio. je remercie vivement Babelio et Gallmeister pour ce livre. D’autres avis disponibles ici.

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