Tu souris, tu accélères - Annie Saumont, vu par Valérie du Chéné

Des phrases courtes pour souligner l’urgence, la peur, l’angoisse, tout le temps, partout. Et on referme le livre en espérant que oui, malgré tout « tout ira mieux bientôt. Demain. Un peu plus tard.»

La quatrième de couv :

Aujourd’hui j’ai peur de toi, de la nuit et de la mort. Ce n’est pas que j’ai un tel goût de vivre, un si grand désir. J’aimais bien autrefois, quand il faisait plus chaud. À Madère il y avait tant de soleil, on ne pouvait pas être triste. Je n’ai pas cherché à revoir Roberstein. Il n’avait pas sa place dans cette vie de là-bas, insouciante, quand on ne connaissait pas Stella.

Dans une voiture qui roule pour on ne sait où, une femme – la narratrice – et son mari. Ils viennent d’abandonner derrière eux leur luxueuse demeure et un homme, Roberstein, qui fut un temps l’amant de la narratrice. Plus loin encore, il y a le souvenir de Stella, à Madère, morte dans des circonstances mystérieuses. Plus virtuose que jamais, Annie Saumont réinvente les triangles amoureux, distille l’angoisse et le suspense. Scandée par la ferveur et la passion destructrice de l’héroïne de Paulina 1880, le roman de Pierre-Jean Jouve, Tu souris, tu accélères est une profonde réflexion sur le désir et la mort, la frustration et l’amour.

Mon avis :

Il a eu une discussion avec Roberstein. Une discussion dont elle ne sait rien, dont on ne sait rien. Mais on sait que Roberstein a été son amant. On sait que son mari a été longtemps hospitalisé. On sent que rien n’a été simple. Ni pour l’un, ni pour l’autre. Et sans doute pas pour Roberstein non plus.

Et puis Stella, une peu en filigrane. Une amante, le temps de leurs vacances à Madère. «Elle était quoi, Stella, au-dedans de ce corps laiteux, cette peau si fine? » se demande-t-elle? Stella, morte noyée. Stella poussée, tombée, on ne sait pas, elle ne sait pas. Mais elle sait son mari et Stella.

Mais pour l’instant, ils sont sur la route. « Nous sommes là et c’est nulle part.» Il a dit fais tes valises, il a dit on part. Mais il n’a pas dit pour où. Il n’a pas dit pour combien de temps. Alors sur cette route, maintenant, dans cette forêt, elle a peur. « Tu as arrêté la voiture, on s’enfonce dans la forêt, tu vas me tuer. »  Et cette peur tout du long, pour elle, pour les fillettes croisées au hasard du chemin, pour Roberstein. Et peut-être un peu pour Stella aussi. Malgré tout.

On ne saura pas tout dans ce petit livre. On saura quand même que « tout ira mieux bientôt. Demain. Un peu plus tard. Attendons, je sais attendre, j’ai l’habitude.» On saura que la narratrice, quelque part, est liée à  – aime ? – son mari, malgré leur tromperie respective. On saura la difficulté de se parler, de se comprendre. On saura la peur, les renoncements, les sacrifices.

On saura tout ça par l’écriture fine et rapide de l’auteur. Des phrases courtes pour souligner l’urgence, la peur, l’angoisse, tout le temps, partout. Et on referme le livre en espérant que oui, malgré tout « tout ira mieux bientôt. Demain. Un peu plus tard.»

Extrait :

Lire un extrait sur le site de la maison d’édition.

Détails :

Auteur : Annie Saumont – Valérie du Chéné
Editeur : Les éditions du chemin de fer
Date de parution : Novembre 2013
104 pages

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