Requiem pour un(e) trentenaire - Wilfried SaloméAmi(e)s trentenaires « sortez dans la rue, et reprenez votre vie là où vous l’avez laissée pourrir. Il n’est jamais trop tard ».

La quatrième de couv :

Ce qui est franchement dommage et profondément navrant avec un essai tel que le Requiem pour un(e) trentenaire de Wilfried Salomé, c’est que les premiers concernés soit :

  • ne le liront pas,
  • feront semblant de ne pas l’avoir lu ou,
  • vomiront toute la haine viscérale que cela leur inspire.

C’est regrettable à plus d’un titre. D’abord, car au-delà de la dureté des propos de Wilfried Salomé à l’égard de ses contemporains, ce texte est une déclaration d’amour formidable. Ensuite, car une fois passée la gifle du constat, reste la proposition magnifique d’ensemble construire demain, faute de ne l’avoir fait hier. Enfin, puisque rester vexé dans son coin ne fera que confirmer la justesse du propos, couillon (voilà tant de temps que je rêvais d’utiliser ce mot dans une description).

Amis trentenaires, vous vous êtes indignés avec Stéphane Hessel, révoltez-vous avec Wilfried Salomé. Lisez ce pamphlet, relisez-le, offrez-le à vos amis, discutez, débattez. Je rembourse l’ouvrage à tous ceux qui me prouveront avec force arguments que tout ceci est faux. J’encourage les autres à se lever, le réveil a sonné.

Mon avis :

Avec son Indignez-vous, Stéphane Hessel, en 2011, avait réussi à cristalliser le malaise d’une société et de nombreux journaux s’étaient fait l’écho de cet essai. Alors que Stéphane Hessel abordait les problèmes de la Palestine, des Roms ou encore des terroristes, ici c’est avant tout de l’art, l’amour, la vie en général dont il va être question. Mais avec des constats sans appel : « Continuer à conceptualiser et penser la vie, l’amour, l’art, les relations sociales, humaines, comme le font les trentenaires revient à injecter par litres entiers du sang frais dans un cadavre. Parce que franchement, le monde tel qu’il menace de devenir, personne n’en veut. » Le ton est donné.

Et c’est un véritable appelle au réveil de notre génération, celle des trentenaires, que lance l’auteur. Cette génération où « l’hyper simplification mercantile du langage façon story-telling-politico-économico-médiatico-publicitaire de l’air du temps a su anesthésier douleurs, sensations, puis lucidité ». Et quoi de mieux pour anesthésier la douleur que de montrer son meilleur profil sur les sites de rencontres, comme Meetic ou Adopte un mec, chacun caché derrière son écran, et où les trentenaires « font ce que la société du spectacle attend d’eux : ils s’enjolivent le caractère en faisant mine de ne pas connaître l’issue du deal ». Et l’auteur de se demander : « À qui profite l’asservissement, puis la marchandisation de la plus belle réalité humaine : l’amour ? »

Car finalement, ceci n’est qu’une facette de ce qui fonctionne plus. La marchandisation même de l’amour, des rencontres, le prêt-à-penser, prêt à ingérer, le marketing de soi, de nos vies, tout ça forme une société qui ne fonctionne plus. Continuant à prendre exemple sur des modèles passés, tout en revendiquant de nouveaux comportements, le trentenaire sème la confusion, se perd dans ses propres modèles et perd pied avec la réalité. Mais, comme le rappelle l’auteur, le monde a changé et « continuer comme le font les trentenaires à véhiculer une vision occidentale individualiste, matérialiste donc mortifère, des rapports humains en refusant de percevoir l’espérance libératrice pointant derrière les foyers de violences urbaines éclatant sur tous les continents — et bientôt sous leurs fenêtres — c’est nier qu’une page de trois tonnes de béton vient de se tourner. » Rien de moins…

Est-ce que cet essai est provocateur ? Certainement! Mais après tout, il faut bien parfois ruer un peu dans les brancards pour réveiller les troupes. Et clairement, le trentenaire dort. Peut-être même plus le trentenaire bobo parisien, si l’on en croit l’auteur. Et puis ce n’est pas de ces essais qui vous assommeront au coin du feu un samedi soir sur la terre. Il est de ceux qui réveillent, vous sortent de grandes envolées lyriques terminées par une petite claque sur le bout des doigts. Qui font sourire en même temps qu’ils font réfléchir. Alors, ami(e)s trentenaires « sortez dans la rue, et reprenez votre vie là où vous l’avez laissée pourrir. Il n’est jamais trop tard ».

Extrait :

Lire un extrait sur le site de la maison d’édition.

Un extrait a été publié dans L’extrait du mardi.

Détails :

Auteur : Wilfried Salomé
Éditeur : La matière noire
Date de parution : 02/06/2014

 

Cet article a également été publié sur Hexagones – L’aventure du nouveau journalisme.

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