Épépé – Ferenc KarinthyC’est un sentiment de claustrophobie qui vous prend. On est enfermé, bousculé, pris de panique jusqu’à la porte de sortie qui nous libère !

La quatrième de couv :

« Les étranges divagations d’un polyglotte érudit, Budaï, qui quitte les rives du Danube et croit s’envoler pour Helsinki afin de participer à un congrès de linguistique. Hélas ! à la suite d’une erreur d’aiguillage, son avion atterrit dans une ville peuplée d’allumés qui parlent un jargon incohérent, parfaitement inintelligible. Sommes-nous aux portes de Babel ? Sans doute. Quant au malheureux Budaï, il en perdra son latin : on dirait un petit frère de Zazie égaré au pays des Houyhnhnms chers à Jonathan Swift. Épatant. » André Clavel, L’Express

Mon avis :

Au départ ça devait être simple : il prenait l’avion pour Helsinki pour participer à un congrès de linguistique. Mais quelque part en route, il y a eu un couac. Le problème c’est qu’il ne sait pas où. Après s’être endormi dans l’avion, il s’est laissé conduire à l’hôtel et c’est là qu’il s’est rendu compte de l’étendu des dégâts. Lui qui maîtrise plusieurs langues, linguiste confirmé, il est incapable de reconnaître un seul son, une seule syllabe des gens qui l’entourent dans ce pays où il a atterri !

Au début, il est méthodique : il rassemble des éléments pour déchiffrer quelques mots, tente de reconnaître au moins des signes qui pourraient l’aiguiller. En vain. Ce pays et ses habitants lui sont totalement opaques ! Pas moyen d’établir un contact, ni de récupérer son passeport, encore moins de contacter son ambassade, vu qu’il n’a aucun moyen de les localiser. Sa seule lueur sera Epépé, ou Ebébé, ou Pépé, ou Vévé… Bref, la liftière de l’hôtel, dont la prononciation du nom semble changer à chaque fois qu’elle le prononce. Avec elle il tentera de mettre en place un rudiment de dialogue.

Mais l’argent vient rapidement à manquer. Sans qu’on le prévienne, sa chambre est du jour au lendemain occupée par une famille. Le voilà à la rue, obligé de trouver un travail qui ne nécessite pas de parler. Et la déchéance va commencer pour lui…

Au début, on trouve ça drôle, un peu comme Budaï, que ce linguiste soit incapable de communiquer avec les autres. On le suit à la découverte des us et coutumes locales qui semblent bien étranges. Mais au fur et à mesure, c’est un sentiment de claustrophobie qui vous prend. On est enfermé avec lui, piégé par cette foule immense, sans cesse en mouvement. On est bousculé dans le métro, pris de panique par ce soulèvement incompréhensible qui ressemble d’abord à une fête mais se finit en début de guerre civile.

Et quand enfin arrive la découverte d’un filet d’eau (« […] tôt ou tard il rejoindra une rivière, un fleuve, qui à son tour débouchera un jour quelque part dans la mer. Là-bas il pourra trouver un bateau, un port, de là la voie sera libre pour n’importe où!« ), c’est du soulagement qu’on ressent. Nous voilà nous aussi libéré de ce qui était peut-être un rêve, un cauchemar, une crise de folie, qu’importe ! L’essentiel étant d’avoir trouvé une porte de sortie !

Détails :

Auteur : Ferenc Karinthy
Editeur : Zulma
Date de parution : 03/10/2013
288 pages

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