Paroles d’Encre a organisé une soirée avec un écrivain, homme de théâtre habitué de la maison et qui vient maintenant en ami, Laurent Gaudé, et un journaliste qui publie son quatrième roman, François-Guillaume Lorrain. Un autre journaliste, Olivier Weber était invité également mais du fait de son activité d’ambassadeur itinérant, il ne pourra pas être parmi nous.

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François-Guillaume Lorrain

L’homme de Lyon , François-Guillaume LorrainFrançois-Guillaume Lorrain est journaliste au Point, romancier et traducteur d’allemand et d’italien. Pour l’anecdote, ses précédents romans se passaient dans les alentours de Versailles. Ici, il nous emmène à Lyon, via un livre qui entremêle une histoire de nos jours et l’année 1944.

En 2009, le narrateur reçoit en cadeau de son père une liasse de photos et documents ainsi qu’une lettre datée de 2001. Cela va l’amener à fouiller dans un passé trouble, de Lyon à Berlin, de Jean Moulin à un certain Stoglitz, et dans le celui de la famille, avec ses non-dits et ses secrets.

Comment est née l’idée de ce livre ? Elle est venue en deux temps.

Premier temps : dans les jours qui ont précédé la mort de son père en 2001, sous l’emprise de la morphine, celui-ci, qui était avant tout un taiseux, se désinhibait et tenait des propos étranges. L’écrivain se sentait mal à l’aise car il ne savait pas quoi en penser. Son père ne lui avait jamais parlé de ses grands-parents, avait tiré un rideau de fer entre une première vie avec une épouse et des enfants et sa vie actuelle. Il avait été très marqué par la guerre, en particulier sa première communion qui eut lieu le jour du bombardement de Lyon en 1944.

Deuxième temps : quelques jours après le décès du père, la sœur de l’auteur disparut.

Il a alors éprouvé le besoin de comprendre pourquoi ces liens se défaisaient, si ça ne venait pas de plus loin. Mais il a souhaité concevoir une intrigue s’éloignant du matériau familial, écrire autre chose qu’une biographie ou un portrait. La réponse au problème fut d’introduire une intrigue dans le roman.

Le paquet de photos et de lettres est donc une énigme posthume envoyée par le père à son fils : « Il y a quelque chose à trouver, débrouille-toi avec. »

Ces photos ont un sens immédiat au premier regard, mais si on y prend garde il y a beaucoup de choses cachées, des détails à remarquer… Si bien qu’au bout des 200 pages, on a une autre lecture de ces images. La narrateur se lance donc dans une enquête quasi policière pour résoudre un puzzle incompréhensible au départ.

Pour écrire ce livre, François-Guillaume Lorrain a fait une sorte de long reportage à Lyon, a frappé aux portes, interrogé des gens, lu les journaux collaborationnistes de l’époque, les dossiers d’épuration… C’est ainsi que la petite histoire rencontre la grande, pour revenir sur la fin du roman à l’histoire familiale.

L’auteur n’avait pas écrit pendant 10 ans, ce travail lui a fait comprendre son besoin d’écrire de la fiction pour échapper au silence de père. Ce livre lui a aussi permis de comprendre ces silences et les dégâts qu’ils ont pu causer à la famille.

Il finira par cette phrase : « Le temps est parfois très bon romancier. »

L’avis de Paroles d’Encre : Une touchante quête des origines.

L’homme de Lyon , François-Guillaume Lorrain, Ed. Grasset

Laurent Gaudé

Les oliviers du Négus, Laurent GaudéA Paroles d’Encre on ne présente plus Laurent Gaudé, venu ici de nombreuses fois. Si vous voulez en savoir plus, je vous propose de vous reporter au Rendez-vous de Valérie avec Paroles d’Encre #3.

La question, toute simple, est : romancier, auteur de théâtre, pourquoi écrivez-vous des nouvelles ?

Laurent Gaudé exprime le besoin de changer de territoire, d’avoir à côté des gros chantiers (un livre en écriture et un en préparation) l’envie d’aller vers autre chose. C’est aussi le rôle du théâtre dans son travail. Quand le texte d’un gros chantier « repose », il écrit une nouvelle ou une pièce car il ne sait pas rester sans rien faire. Ce sont des voyages différents avec une intensité différente.

Les quatre textes qui composent ce recueil ont été écrits sur trois ou quatre ans. Il n’y a pas d’unité entre elles, elles ont un côté plutôt disparate. S’il a choisi de réunir celles-là, c’est que ce sont les dernières écrites.

On y retrouve les thèmes chers à Laurent Gaudé, ceux de Le soleil des Scorta, de Cris… La tragédie, la mythologie, le rapport à la nature dont on redécouvre qu’elle est là, parfois lumineuse, parfois terrifiante.

Il y a un rapport fort à la mort dans ces textes, c’est un moment « pratique » pour un écrivain car on se retourne et on regarde le chemin parcouru.

Extrait :

« Les héros défaits parlent, se souviennent, usent de grands mots, mais leur destin devient minuscule et les conduit tout droit vers la tombe. Il y a une infinie beauté dans le désespoir de leur cause. »

Les oliviers du Négus, Laurent Gaudé, Ed. Actes Sud.

 

Conclusion : 

S’il faut trouver un point commun à ces deux livres, c’est la mort et l’influence qu’elle peut avoir sur ceux qui restent. Mais le témoignage de François-Guillaume Lorrain était émouvant par ce qu’il avait d’intime malgré la fiction, alors que celui de Laurent Gaudé était celui d’un romancier au sommet de son art, avec une vision globale et cohérente de l’ensemble de son œuvre. Les deux ouvrages étaient donc aussi tentants l’un que l’autre !

 

Pour tous renseignements sur le fonctionnement de l’association ou son programme, vous pouvez écrire à parolesdencre@wanadoo.fr

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