Pour la rentrée, la soirée Paroles d’Encre était faite pour moi ! Les invités sont un écrivain marcheur, Alexandre Poussin, et un journaliste romancier, Sorj Chalandon, qui parle de l’Irlande et de sa guerre. Autant dire qua ça promet d’être passionnant !

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Alexandre Poussin

Marche avantL’homme qui se présente devant nous est un type incroyable. Il a fait le tour du monde à vélo avec Sylvain Tesson (autre écrivain marcheur et ami de lycée), il a parcouru l’Afrique, du Cap au lac de Tibériade, avec sa femme à pied. Trois ans et demi de trek, autant dire une sorte d’extraterrestre pour nous qui sommes si sédentaires, même pour moi qui suis randonneuse.

Le livre pour lequel Alexandre Poussin vient ce soir est le premier qu’il a écrit seul. L’éditeur voulait une sorte de manuel, de « trucs » du bon marcheur. Au milieu de cet ouvrage de souvenirs, de réflexions, voire de philosophie, quelques chapitres mentionnent ces détails. Mais pour Alexandre Poussin, ce livre est celui des 40 ans, d’un passage de cap, d’un coup d’œil dans le rétroviseur. Le temps de se poser la question de combien de kilomètres ont été parcourus, le moment de se demander comment ne pas laisser s’étioler le sel de l’aventure.

Alexandre Poussin nous confie avoir toujours détesté marcher, mais il a trouvé dans la marche tellement de choses ! Elle lui a ouvert les yeux sur la réalité du monde, elle reconnecte au réel, à l’imprévu, à l’étrangeté. Elle décloisonne les regards et les schémas de pensées, elle permet des rencontres impossibles en se déplaçant autrement. Maintenant, il ne peut plus s’en passer ! Un projet de voyage au Japon a été annulé à cause du tsunami et de Fukushima ; un voyage aux Andes commence à se construire au sein de sa famille, avec sa femme et ses deux enfants.

Le livre et donc son discours sont émaillés d’anecdotes, de bêtises faites au lycée de Passy-Buzenval à Rueil Malmaison, d’événements inattendus en voyage…

Mais Alexandre Poussin préfère insister sur des sujets qui lui tiennent à cœur comme l’écologie : le monde est un espace fini aux ressources limitées. Il a constaté sur le terrain ce qu’il a lu dans de nombreux livres. Il aborde aussi le phénomène générationnel, pensant que les nouvelles idées imprègnent plus facilement les jeunes que les générations qui les ont précédés. Enfin, il aborde la question de la foi et de la religion, car son vécu en Afrique lui a montré que dans ces régions où les gens assument leur religion, elle les rend bons.

Comment se réadapte-t-on après de tels voyages ? Pour l’auteur c’est un vrai bonheur que de se retrouver dans un monde où existe l’intimité, la protection par la sécurité sociale, les hôpitaux. On revient dans un état de droit et de providence, cela lui paraît un vrai miracle.

Il termine par une réflexion sur l’effet de la marche sur l’âme, qui permet de faire la paix avec soi-même, de faire des bilans, de pardonner, de se réconcilier avec le monde.

L’avis de paroles d’Encre :

Dans ce récit à la fois pratique et philosophique, personnel et universel, Alexandre Poussin évoque sa vie d’aventurier, d’homme, la foi qui le porte et le pousse à agir, ainsi que sa curiosité insatiable pour notre planète. Il nous offre un véritable « livre de vie ».

Marche avant, Alexandre Poussin, Ed. Laffont

Sorj Chalandon

Correspondant de guerre à Libération pendant des années, avant de rejoindre le Canard Enchaîné, Sorj Chalandon apparaît ce soir avant tout comme un homme profondément blessé par un événement incroyable : passionné par l’Irlande, il a « couvert » pendant de longues années la guerre entre l’IRA et l’Angleterre. Comme souvent dans ces cas-là, il avait un « fixeur », un correspondant local connaissant bien le pays et pouvant le guider, comprendre les coutumes, le sens des événements, etc. Cet homme est devenu son ami, le parrain de sa fille, un membre de la famille.

En 2005, les services secrets britanniques ont révélé qu’il était un de leurs agents, retourné par leurs soins des années avant. De cette trahison est né un premier livre Mon traître, puis un second, Retour à Killybegs. Rendu malade par cette trahison inimaginable, Sorj Chalandon, qui s’était promis de ne jamais écrire de fiction à partir de l’actualité, a ressenti le besoin d’écrire le premier roman pour surmonter la stupéfaction et l’effondrement. Pendant l’écriture de ce livre, « son traître » a été assassiné, en avril 2006.

Retour à Killybegs est né de l’insatisfaction du premier roman, qui paraissait à l’auteur incomplet. Pour qu’un roman soit complet, il fallait que l’auteur devienne le traître, lui donne une voix. Le personnage principal est fictif, mais toute son histoire traverse l’histoire réelle de l’Irlande. Sorj Chalandon propose une réponse à la question du « pourquoi », alors que le vrai traître n’a jamais avoué.

L’auteur a eu aussi besoin de donner un coup de poing à la naïveté des petits Français, et de raconter cette amitié dont il pense malgré tout qu’elle était réelle. Et pourtant, le traître l’a personnellement interrogé pour savoir s’il n’aurait pas donné sans le vouloir des informations après des opérations terroristes ayant échoué, masquant ainsi son propre rôle.

Fait étonnant, les Britanniques ont expliqué que pour utiliser un traître, il fallait l’aimer. Les argumentations étaient du genre : « Toi tu veux la paix, nous on veut la paix. Si tu nous préviens qu’une bombe va exploser, nous l’empêcherons et on évitera des morts. » Ainsi le traître a le sentiment d’être bon.

L’avis de paroles d’Encre :

L’animateur, Alain Gottvallès, a lu 49 des livres de la rentrée 2011, celui-ci lui semble être le meilleur.

Retour à Killybegs, Sorj Chalandon, Ed. Grasset

 

Conclusion : 

Voici une soirée qui nous a emmenés loin, aux confins de l’Afrique, en Irlande. Dans la paix et l’harmonie des rencontres de hasard, dans la violence de la guerre et la douleur de la trahison. Des émotions, positives ou négatives, ont surgit dans les discours des écrivains et dans les débats. Aucun de ces deux livres ne peut laisser indifférents.

 

Pour tous renseignements sur le fonctionnement de l’association ou son programme, vous pouvez écrire à parolesdencre@wanadoo.fr

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