Une ambiance lourde et pesante, un héros que l’on sait condamné d’avance, une écriture envoûtante… Ma libraire avait encore une fois raison !

Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?

J’étais simplement partie faire un tour dans ma librairie préférée, sans aucune intention d’acheter quoi que ce soit. On sait comment se termine ce genre d’histoire… On papote avec la libraire et on ressort avec trois ou quatre bouquins en plus chaudement recommandés sous le bras…

La quatrième de couv :

« Ce que personne n’a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, autour d’une bière fraîche, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, ce poids, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts de blues ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les écoliers, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n’a pu savoir, c’est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras était venu lui passer les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise. »

Tout est inscrit dans cette première phrase : le silence qui étouffe et tue, le poids des regards, l’irrémédiable d’un destin, celui d’un enfant sage, excellent élève, devenu un adolescent taciturne et ombrageux. Thomas Hogan aura pourtant fait l’impossible pour exorciser ses démons intérieurs – les mêmes qui torturaient déjà son père.

Cela avait commencé avec la folle passion que William, le père, portait à LA propriété, un éden sauvage de quelques trois hectares où les sapins « semblaient danser les uns avec les autres », où l’homme ne venait plus, où « les arbres, les massifs de fougères, quelques framboisiers sauvages et des centaines de fleurs des bois » étaient le domaine de la lumière, des biches et des cerfs. Il l’avait achetée, y travaillait âprement mais ses économies n’y suffisaient pas. Certes, sa femme, Mary, l’aidait, le réconfortait : « Elle sentait bon, ses doigts glissaient sur lui à la manière des rondins de bois qui dévalent une cascade sans jamais se retourner. » Il accepta tous les boulots, s’épuisa, le jour à la scierie, la nuit à la gendarmerie, à trier jusqu’au cauchemar les fiches d’identification de meurtriers, notamment celles des assassins d’enfants… Est-ce cette proximité avec le crime ? Il est sombre, violent, parle peu.

Et Thomas est né. Généreux, rieur, bon élève, il apparaissait fragile et vulnérable, l’opposé de son père. Ainsi, en dépit de l’alcool, de la fatigue lancinante, de la violence, la vie semblait possible et belle… Jusqu’à l’accident : à la scierie, la machine a dérapé, broyé une main ; et la gangrène, avide, a emporté William Hogan sans qu’O’Brien, l’ami médecin, ait pu faire quoi que ce soit.

À quel moment Thomas, le fils, a-t-il basculé ? Lorsque Paul, l’ami d’enfance, son alter ego, l’a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu’il a découvert le Blue Budd, le poker et l’alcool de poire ? Lorsque Donna, l’assistante du Doc’ l’a entraîné derrière la scierie maudite ?

Mon avis :

Dès les toutes premières lignes le décors est posé. Il n’y aura pas de fin heureuse. Malgré tous les espoirs qu’on pourrait avoir pour Thomas, il restera à jamais le fils maudit de cette petite bourgade des États-Unis. Même si « personne ne savait réellement ce qui s’était passé« .

Pourtant au départ, ça ne devait pas se passer comme ça… Non, certainement pas. William, son père, avait beau forcer un peu sur la bouteille, c’était un bosseur, enchaînant les heures sept jours sur sept pour payer la maison dont il avait toujours rêvé. Maître scieur la semaine, à la caserne le week-end, il fallait bien ça pour retaper sa vieille maison. Non, au fond, ce n’était pas un mauvais homme. Et Mary, la mère, était de ces femmes discrètes, d’un autre temps, s’occupant du mieux qu’elle pouvait de son mari et de son fils, n’exprimant que peu ses sentiments… Non, il n’était pas si malheureux Thomas dans son environnement. Jamais de problèmes. Jusqu’à ce jour où…

Dans un climat lourd, rempli de silence, ce récit ne se lâche pas. Même si on sait dès le début que « Thomas avait pris le mauvais tournant au moment où tout lui souriait« , on espère, on se dit que peut-être, oui, on voudrait que tout s’arrange pour lui. Car Cécile Coulon sait mener son récit pour nous amener jusque là. Un beau roman, avec une ambiance bien particulière, par une auteur qui n’a que 22 ans à peine…

Extrait

Lire un extrait sur le site de la maison d’édition.

Détails :

Auteur : Cécile Coulon
Éditeur : Viviane Hamy
Date de parution : 12/01/2012
143 pages

Cette chronique a déjà été lue 4167 fois.

%d blogueurs aiment cette page :