Moi, je vous comprends, lui dit Marco Antonio Guerra. Je veux dire, si je ne me trompe pas, je crois que je vous comprends. Vous, vous êtes comme moi, et moi, je suis comme vous. Nous ne nous trouvons pas bien. Nous vivons dans une atmosphère qui nous étouffe. Nous faisons comme si rien ne se passait, mais en fait ça se passe. Qu’est-ce qui se passe ? On étouffe, merde. Vous, vous vous défoulez comme vous pouvez. Moi, je tabasse ou je me laisse tabasser. Mais ce ne sont pas n’importe quels tabassages, des cassages de gueule apocalyptiques. Je vais vous raconter un secret. Parfois je sors le soir, et je vais dans des bars que vous ne pouvez même pas imaginer. Là, je joue l’efféminé. […]  Alors arrive ce qui doit arriver. Deux ou trois brutes m’invitent à aller dehors. Et le tabassage commence. Je le sais, et je m’en fous. Parfois ce sont eux qui s’en tirent mal, surtout quand j’y vais avec mon pistolet. D’autres fois, c’est moi. Je m’en fous. J’ai besoin de ces saloperies de sorties.

2666 – Roberto Bolaño

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