Très belle découverte avec ces textes publiés pour la première fois en 1941. De ceux qui marquent et restent en tête pendant longtemps !

Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?

Choisi dans ma librairie, un peu au hasard, après avoir lu la quatrième de couverture.

La quatrième de couv :

Dans ce recueil de cinq nouvelles, les personnages d’Albert Cossery survivent dans le plus total dénuement. Mais ils sont aussi extraordinaires par le regard qui leur donne la vie. On a rarement lu dans la littérature contemporaine des descriptions aussi aigues, émouvantes, dramatiques de la pauvreté et de la misère mais toujours abordées avec humour et dérision.

Premier livre d’Albert Cossery, Les Hommes oubliés de Dieu fut publié au Caire en 1941, puis traduit en plusieurs langues. Il fut notamment publié aux États-Unis grâce à Henry Miller.

Mon avis :

Cinq nouvelles pour parler de ces hommes et ces femmes oubliés de Dieu : Zouba, le facteur, qui supporte la violence parce qu’il se croit supérieur à ceux de son quartier, car lui sait lire et connait donc tout leurs secret ; Faiza qui pense que le désir et le plaisir qu’elle sent au fond d’elle sont l’œuvre du démon ; Chaktour qui subit sa misère mais comprend que son enfant refusera cet héritage et sent un vent nouveau arriver ; Abou Chawali qui possède une école de mendicité et se bat pour que les traditions perdurent, que les mendiants continuent à montrer la misère sous son pire aspect ; Sayed Karam, ancien acteur, qui voulait réaliser de grandes choses pour étonner les hommes et se rend compte finalement qu’il vaut mieux réaliser de grandes choses pour les aider et les conduire vers une vie meilleure.

C’est un de ces livres qui ne vous lâche pas. De ceux qui restent en tête longtemps après l’avoir refermé. « Il n’y a pas de phrases pour rien dans mes livres », disait celui qui pouvait prendre plusieurs jours pour trouver le bon mot, lors d’une interview pour Le Magazine Littéraire. Il en reste des textes denses de personnages se trouvant dans le dénuement le plus total, mais digne au-delà de tout. Des personnages qui s’échappent dans le sommeil ou le haschich, mais où on sent la possibilité de révolte encore bien présente. Il ne suffirait parfois que d’un tout petit élément pour la déclencher.

Comme dans ce texte magnifique Le coiffeur a tué sa femme, où Chaktour subit sa misère dans la dignité, sans se plaindre et continue son travail du mieux qu’il le peut. Car sa misère, elle a toujours été là, il en a hérité et ne la remet jamais en question. Mais il y a son fils, celui qui a faim, qui est nu sous ses habits. Et il y a ces balayeurs qui d’un coup se soulèvent. Et Chaktour sent, il sait désormais qu’une autre vie est possible et que son fils, lui, refusera cette misère en héritage. Car il y a une volonté qui flotte dans l’air…

Extrait

Un premier extrait de ce livre a été posté dans l’extrait du mardi.

Les balayeurs, eux, n’avaient pas conscience de l’horrible diversion que leur présence infligeait à la rue. Ils avaient seulement ordre de balayer et elle leur faisait l’effet de quelque chose de dangereux et d’incompréhensible dont ils étaient les serviteurs dociles. Jamais encore ils n’avaient imaginé ce qu’elle deviendrait sans eux, livrée aux ordures et à la poussière. Ils ne connaissaient pas tout leur mérite et jusqu’où la rue leur devait sa belle ordonnance et sa distinction. Mais, ce soir, ils étaient décidés à tout, il s’agissait pour eux de ne pas mourir de faim. Pour la première fois de leur vie, ces balayeurs avaient osé, s’étaient crus en mesure d’oser, un geste de réclamation. Ils avaient eu l’idée incroyable, blasphématoire, de revendiquer leurs droits à une existence meilleure. Les trois piastres qu’on leur payait par jour ne suffisaient pas à les faire vivre, ni même à les faire mourir. Ils avaient donc réclamé une demi-piastre d’augmentation. Avec trois piastres et demie par jour, ils croyaient pouvoir vivre plus sérieusement.

Détails :

Auteur : Albert Cossery
Editeur: Joelle Losfeld
Date de parution : 22/02/2000
112 pages

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